– Meurtre par temps de guerre
C’est par milliers que se comptent, en temps de guerre, les meurtres légaux prescrits par le clan, la nation ou la religion. Un cadavre de plus ou de moins, quelle importance ? Il est dès lors tentant de camoufler en crime de guerre un meurtre commis pour des raisons toutes personnelles. Passionné d’histoire, Patrick Pécherot revient sur les horreurs de 14-18 dans Tranchecaille, roman choral évoquant le procès d’un troufion paumé, Jonas, accusé d’avoir assassiné son lieutenant à coups de Rosalie, la baïonnette des poilus. L’épisode se situe peu après l’offensive du général Nivelle, en 1917, qui a tourné à l’hécatombe. Englués dans leurs tranchées, les soldats en ont ras les bottes. Mutilations volontaires et mutineries se multiplient. Il faut donc fusiller des réfractaires... mais le naïf Jonas n’a pas le profil d’un révolté, comme tente de le prouver le capitaine chargé de sa défense. Trame policière et trame historique se superposent à travers une mosaïque de courts chapitres, interrogatoires, témoignages, échanges de lettres ou récits de brèves permissions à Paris, côté bars, bordels et désillusions. Patrick Pécherot a de la gouaille, du style et du souffle, le sens du dialogue et de l’image. Il sait camper en peu de mots des personnages bien ciselés. Il sait aussi toucher par l’évocation sensible de la vie quotidienne de soldats harassés, mais encore capables de courage et de solidarité.
© Roger Gaillard, Le Temps