La Croix

Jean-Claude Raspiengeas

Au coin des rues, la nostalgie

Patrick Pécherot habite Courbevoie. Il y glane des bouquets de pensées que la vie fournit à même le pavé. Il a déjà consacré une trilogie au Paris populaire de l’entre-deux guerres et signé des polars sur Paname. Cette fois, il extrait de sa musette un opuscule poétique dont la mélodie devrait être jouée sur l’accordéon des mariniers.
Le coin des rues est une pépinière d’instantanés. « Les souvenirs sont pleins d’images volées », écrit Patrick Pécherot. Avec lui, des quartiers « effacés jusque dans la mémoire » retrouvent des couleurs. « L’âme des gens dort dans la pierre. Quelque part, au coin des rues. » Les urbanistes prévoient, les architectes dessinent mais « vous savez, vous, que la rue existe par ceux qui la vivent. Par leur présence, leur passage, leur empreinte. » II rameute les hérauts de ce monde perdu : Léo Malet, Robert Giraud, Jean Meckert,
Fréhel, Arletty et Jean Vilar « qui rendait la culture comme une justice ». À la boucherie, il croise Jean-Christophe Averty, vague voisin, qui ne passe plus les bébés à la moulinette. « Averty à la télévision, écrit-il, c’était l’intelligence, la liberté, le grand vent. Il vient de loin. »
Toute une lignée de gens de peu est adoptée. « Au coin des rues naissent les personnages (...) et fleurit la langue populaire. » Comme cette inscription sur un mur : « Bourvil’s not dead » (« Bourvil n’est pas mort »). Les graffitis sauvages lui inspirent cette contrepèterie : « Je vous salis ma rue ». Dans les cinémas de l’enfance (le Rex, le Central, le Lido), des « silhouettes chiffonnées » venaient se payer une bobine, péplums en carton-pâte, westerns improbables, films d’espionnage bâclés. Les courses cyclistes traversaient la banlieue. On buvait du Cacolac, on secouait le flipper, on chaloupait devant le juke-box. On rêvait à l’amour pendant les promenades de guinguette, « la mouflette au bras, son sourire soleil qui vous changeait en bâton de guimauve ». Les Trente Glorieuses défilent avec l’autocuiseur, le transistor, la Boldoflorine, le VéloSolex, « petit frère à deux roues de la 2 CV », dont la réclame assurait : « La bicyclette qui route foute seule ».
Un canapé abandonné, le jour des encombrants, fait surgir une rêverie de lecture, de musique et de thé, plongé dans un recueil d’Henri Pichette et les méditations de Christian Bobin, que berceraient les heures. Sur une passerelle, Patrick Pécherot songe aussi à Folon et à ses bonshommes qui s’envolaient, bras battant, « dans des ciels de livres ouverts ». Au coin des rues, la nostalgie.

© Jean-Claude Raspiengeas, La Croix



Golias

François Belloir

Le dernier livre du romancier Patrick Pécherot est une balade littéraire et nostalgique au coin des rues. L’auteur excelle à reconstituer l’histoire et à décrire l’atmosphère du Paris d’antan et de sa banlieue. On y croise les personnages qu’il affectionne particulièrement : Arletty, Céline, Jean Amila, Fréhel, Max et les ferrailleurs, le chat de Lewis Caroll, des rappeurs de banlieue, des tagueurs nocturnes et tout ceux, anonymes, dont l’âme imprègne les pierres... Mutations urbaines, réflexion sur la ville, ceux qui la vivent et qui y travaillent : « rue Voltaire, des relents de casbah et des pavés disjoints, gras des eaux usées. Des bâtisses décrépies, Des fenêtres étendages. Tricots de peau, caleçons longs, et, sur son cintre, la chemise en nylon qui mouline des manches. Du linge d’homme trop porté, la petite lessive au Paic dans la bassine et les mains qu’on pensait faites pour d’autres travaux. »

© François Belloir, Golias

Le Monde des Livres

Macha Séry

Ce Paris popu qui n’est plus

Fin connaisseur du Paris populaire, décor de ses polars, Patrick Pécherot est un « globe-trottoir ». II a appris à musarder. II a pris le temps de flâner autant dans les rues que dans les romans de l’entre-deux-guerres. Talonné par ses souvenirs, il sinue entre passé et présent, revoit les remblais ferroviaires, les bistrots de sa jeunesse. Dans ses pages, on croise Jean-Christophe Averty, Céline, Fréhel, l’anarchiste René Pichon, ainsi que des ferrailleurs, des remailleuses de bas et des marchands de couleurs. C’est une autobiographie troussée nez au vent, une ballade en clair-obscur dans un monde aujourd’hui disparu.

© Macha Séry, Le Monde des Livres

Le Nouvel Observateur

Claire Julliard

Au début des années 1960, aux coins des rues de Puteaux, on trouve un crémier, une remailleuse de bas, un marchand de couleurs. Les cinémas s’appellent le Rex ou le Central. Les poulbots jouent parfois à la mort, à plat ventre dans les virages... Aujourd’hui, ils dansent le hip-hop, passage des Reflets à Courbevoie. Dans un texte poétique au charme entêtant, le polardeux Patrick Pécherot ressuscite les faubourgs de son enfance. On y croise les fantômes de Jean Meckert, d’Arletty ou de Céline. Un bijou.

© Claire Julliard, Le Nouvel Observateur

Télérama

Christine Ferniot

Patrick Pécherot se souvient des coins de rue aujourd’hui disparus, de la tripière ou du pharmacien qui vendait ses pastilles Pulmoll. La rue existe par ceux qui la vivent, rappelle très justement l’écrivain, en nous proposant un plaisant voyage, le temps d’un sandwich au comptoir d’un café de la rue Monge ou d’une cigarette grillée au carrefour République.
A l’ombre de Carco, Bruant, Céline ou Arletty, ce « petit éloge » réunit toutes les couleurs de la ville, irrésistiblement nostalgique, divinement romanesque.

© Christine Ferniot, Télérama

CFDT Magazine

Henri Israël

Un beau livre nostalgique

Même si vous êtes nés après la disparition de Doisneau, que vous avez à peine connu Willy Ronis, que pour vous La Défense et la banlieue environnante sont depuis toujours des grands immeubles qui tutoient le ciel, vous pourrez aimer ce livre. Patrick Pécherot, dans son Petit éloge des coins de rue, une fois encore effleure le passé, celui des années cinquante et soixante, celui des rues pavées, des chansons libertaires et des petits bistrots. Un petit livre superbe qui aurait mérité un prolongement.

© Henri Israël, CFDT Magazine

La Marseillaise

Anne-Marie Mitchell

Je te salue ma rue

S’adressant à Paname, Léo Ferré compatit à son ennui dès l’instant où il rend conscience que les gens vivent chez elle mais ne la voient jamais. S’il était toujours de ce monde, le poète aurait salué Petit éloge des coins de rue, de Patrick Pécherot, d’un « Je vous remercie ». Même si la rue de l’écrivain est parisienne, les Marseillais sauront prendre le même chemin des écoliers et retrouver ce bel air, d’où s’exhalait naguère (donc il y a peu de temps) le parfum contestataire du temps des cerises ! Car c’est avant tout aux couches les plus modestes que Pécherot rend hommage, à tous ces gens « qu’on ne voit pas à force de ne jamais les regarder ». Sans oublier les poêles à charbon, les « ouvreuses harnachées d’une corbeille d’osier », les immigrés « tombés du bled comme on choit de la lune », les Frères Jacques tournant sur la platine, les filles aux bas nylon, les pièces « entortillées dans un journal » et jetées depuis la fenêtre à un chanteur des rues, les boîtes à fricot qui nous rappellent que « les buildings ne poussent pas tout seul, qu’il en faut des gamelles à chantier pour sortir de terre », les cités-jardins qui avaient « la beauté des femmes d’usine » et la couverture du dictionnaire Larousse présentant « une femme qui ressemblait à la Dame du lac soufflant le savoir aux quatre vents ». L’un des plus beaux textes de notre Littérature (la majuscule sied bien aux textes de Pécherot). Nostalgique à en chialer...de bonheur !

© Anne-Marie Mitchell, La Marseillaise

Le Mutualiste RATP

Tendre banlieue

Né à Puteaux au milieu des années 50, Patrick Pécherot est l’auteur de romans noirs remarqués comme Les brouillards de la Butte (Grand Prix de littérature policière 2002) ou Belleville-Barcelone, livres qui plongent dans les méandres de l’histoire du XXème siècle. Avec ce Petit éloge des coins de rue, il signe 130 pages inédites pleines d’élégante nostalgie. En effet, l’auteur nous promène dans cette proche banlieue (le nord des Hauts de Seine) en évoquant à la fois sa propre jeunesse et les personnages, célèbres ou non, qui hantèrent ces lieux en permanente mutation.
Ainsi, nous croisons les lascars du film Max et les ferrailleurs de Claude Sautet (1971), le grand peintre Georges Seurat, la belle Arletty dont l’accent faubourien semble résonner encore dans les rues de Courbevoie, mais aussi tous ceux que Jacques Pévert nommait les "étranges étrangers" : ces générations d’ouvriers venus d’Italie du sud, puis d’Algérie et qui travaillèrent dans les usines Simca (à Poissy) ou Citroën (à Nanterre). Des jolies rues de Suresnes au parvis de la Défense en passant par la cité Lorilleux à Puteaux, ne manquez pas cette balade urbaine et poétique.