Séquence 1

« Lundi, 10 juillet.
Au moment de sortir, Terii s’arrêta, figé. Au bout du couloir sombre, une trouée lumineuse l’obligeait àfroncer les paupières.
Malgré lui, il hésitait, la main cramponnée àla poignée en ficelle de sa valise. Le gardien le poussa doucement pour lui faire franchir le seuil qui le séparait de la liberté et referma la porte. A l’aveuglement, succéda la bruit, légèrement décalé. Scooters, trucks, passants…surtout les femmes. Leur voix se détachèrent en premier du magma sonore.
Terii eut envie de faire marche arrière, de revenir dans le cocon protecteur de sa cellule. Il ne parvenait pas àpénétrer dans le film qui se projetait devant lui. Spectateur immobile, une paroi invisible le séparait des autres. La sueur inondait son front, son dos, ses jambes. Il fallait qu’il entre dans le cercle, qu’il marche…Rien de compliqué…Appuyer, puis se fondre, s’immerger dans la foule.
Splaoutch ! Il avait plongé. Facile en somme. Il suffisait maintenant de suivre le courant, de se laisser porter. Papeete était bourdonnante et poussiéreuse. Les fêtes approchaient. A une terrasse, il s’extirpa du flot pour siroter un Coca glacé. Il s’attarda àregarder la paille monter dans la bouteille sous la poussée gazeuse des bulles.
Ce n’est qu’àla fin du jour qu’ils e dirigea vers le faré de la famille. Calmée, la lumière découpait le relief des montagnes de ses reflets dorés. Le plein soleil, trop écrasant, n’était bon que pour la sieste. Mais le soir, Tahiti retrouvait sa grandeur nonchalante dans un parfum de sel et de vanille.
Sous son toit de tôle, la maison n’avait pas changé. C’est àpeine si les murs d’Isorel étaient un peu plus délavés. Il grimpa l’escalier en bois et entra.
Pas de colliers de fleurs pour Terii. Son père dormait, affalé dans un fauteuil pisseux. La télé allumée teintait par intermittence la table encombrée et les boîtes de bière amoncelées.
Quand Terii vit Nestor, il sut qu’il n’était jamais sorti de prison.  »